Rôle du médecin généraliste et du spécialiste dans le suivi du patient hémochromatique
Le suivi d’un patient présentant une hémochromatose repose en grande partie sur le médecin généraliste, qui, en s’aidant des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) de juillet 2005, peut tout à fait assumer le suivi du traitement d’induction et surtout de la phase d’entretien.
En Bretagne, de nombreux généralistes assument avec efficacité la prise en charge des patients lors des saignées, effectuant parfois eux-mêmes les saignées pour les patients situés à distance d’un centre de soin.
Néanmoins, on peut recommander le recours ponctuel, voire régulier, à un hépato-gastroentérologue qui sera à même d’amener quelques correctifs au traitement par saignées, et surtout pourra relancer régulièrement le dépistage familial et la prévention des complications.
En effet, lors du traitement, quelques erreurs sont parfois constatées lors d’une prise en charge non spécialisée.
- A la phase initiale, les saignées sont parfois débutées trop précocement devant la constatation d’une homozygotie C282Y, alors que la ferritine est encore normale, c’est-à-dire au stade 1 de la maladie. Or les recommandations de l’HAS sont de ne débuter le traitement qu’au stade 2 c’est à dire devant une augmentation de la ferritine supérieure à 200g/L chez une femme et supérieure à 300 µg/L chez un homme. Les stades 0 et 1 ne nécessitent aucun traitement déplétif. Il n’y a pas en effet de passage obligé du stade 0 vers les autres stades et certains patients homozygotes n’auront jamais besoin de saignées.
- A l’inverse, le traitement déplétif peut être insuffisant car il est parfois retenu comme objectif des saignées un chiffre de ferritine dans les limites de la normale du laboratoire, alors que bien sûr l’objectif recommandé est de maintenir en permanence un taux de ferritine au -dessous de 50µg /L.
- Une erreur plus rare mais beaucoup plus lourde de conséquences est l’arrêt du traitement par saignées au décours de la phase d’induction, le patient et son médecin traitant n’ayant pas intégré le caractère indispensable du traitement d’entretien.
Enfin le diagnostic d’hémochromatose étant posé, il sera rarement remis en cause par un médecin non spécialiste, alors que l’on constate encore parfois des erreurs diagnostiques surtout chez les patients venant de régions où l’hémochromatose est peu fréquente. Le diagnostic d’hémochromatose est ainsi parfois retenu devant une mutation homozygote H63D alors que seule la mutation homozygote C282Y doit être considérée.
De même, il est parfois retenu trop rapidement le diagnostic d’hémochromatose chez un patient présentant une forte surcharge en fer pourvu qu’il soit d’origine Bretonne alors que par ordre de fréquence il ne s’agit souvent que d’une surcharge dans le cadre d’un syndrome métabolique.
Le recours au médecin spécialiste va surtout permettre de relancer régulièrement l’enquête familiale. Cette étape importante de la prise en charge est souvent oubliée, et c’est le rôle du spécialiste de solliciter avec insistance, à chaque consultation le patient pour que l’enquête familiale soit complète : réalisation d’une étude du gêne HFE et des marqueurs du fer chez les frères et sœurs et les enfants majeurs du patient atteint. Le suivi spécialisé permettra en outre de ne pas oublier d’effectuer la même étude génétique chez les enfants, à leur majorité. La législation ne nous permet en effet pas de réaliser un test génétique avant l’âge de 18 ans. Par expérience, cette étape est souvent difficile du fait de l’éloignement des familles, et plusieurs consultations spécialisées sont souvent nécessaires pour que l’ensemble de la famille effectue correctement le bilan adéquat.
Enfin un avis spécialisé permettra de rechercher régulièrement d’éventuelles complications : outre le bilan cardiologique, hépatique et pancréatique initial, le suivi gastro-entérologique permettra la réalisation d’échographies régulières s’il existe une fibrose hépatique, un dépistage du diabète et un suivi osseux par la réalisation répétée d’ostéodensitométrie, la fréquence des contrôles étant guidée par l’importance de la surcharge en fer initiale, l’âge du diagnostic et le stade de l’hémochromatose.
Dr Philippe Thévenet
Hépato-gastro-entérologue
Centre Hospitalier St Malo
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