Pr Pierre Brissot – Service des maladies du foie – Inserm U-522, IFR 140, CHU Pontchaillou – 35033 Rennes cedex 9
Diagnostic d’une Hyperferritinémie
Hémochromatose et Diabète : des liens anciens et étroits
L’hémochromatose est une affection génétique liée à une hyperabsorption digestive du fer qui entraîne au fil des années une accumulation de fer dans de nombreux organes. Le foie est en première ligne car il reçoit directement ce fer en provenance du tube digestif. Il le stocke, jusqu’au moment où, débordé dans ses possibilités de stockage, il va s’endommager jusqu’à développer une cirrhose voire un cancer du foie. Parmi les autres organes susceptibles d’être affectés par la surcharge en fer, il faut citer le pancréas. Et c’est le dépôt de fer dans les cellules pancréatiques qui, en perturbant la sécrétion d’insuline, va pouvoir donner lieu à un diabète. Ce diabète peut nécessiter ou non le recours à un traitement par insuline. C’est surtout dans les formes très évoluées d’hémochromatose, ç.à.d. très surchargées en fer, que le diabète survient. Il est ainsi approprié de rappeler que les toutes premières descriptions de l’hémochromatose, faites par des médecins français (Trousseau en 1865 et Troisier en 1871), correspondaient à la forme historique de la maladie appelée « cirrhose bronzée avec diabète » et que les publications relatives à ces cas se sont faites dans des Revues médicales françaises consacrées…au diabète sucré. Si les premières séries publiées dans les années 1970-1990 situaient la fréquence du diabète dans l’hémochromatose entre 50 et 60 % des cas, cette fréquence a sensiblement baissé dans les séries plus récentes (20% en 2008), reflétant un diagnostic plus précoce, à un moment donc où l’excès en fer étant moindre il est moins dommageable pour les divers organes dont le pancréas. L’importance de la précocité du diagnostic est de plus illustré par le fait que si le diabète est insulino-dépendant au moment du diagnostic d’hémochromatose, le fait d’éliminer l’excès en fer par les saignées permettra certes souvent de diminuer la dose d’insuline requise mais non de supprimer le besoin thérapeutique en insuline.
Les liens entre hémochromatose et diabète sont donc étroits et, en pratique, de même que chaque fois qu’un diagnostic d’hémochromatose est posé il convient de rechercher une intolérance au glucose ou un diabète, de même il est essentiel, chaque fois qu’un diagnostic de diabète est établi, de s’assurer qu’il ne s’inscrit pas dans le cadre d’une hémochromatose.
Le 2 novembre 2012
Quand l’hémochromatose touche le sujet jeune
Lorsque l’on parle d’hémochromatose, c’est bien sûr à la maladie la plus fréquente que l’on pense : affection génétique de surcharge en fer, ne survenant que chez les sujets de race blanche et commençant à s’exprimer cliniquement à un âge très tardif pour une maladie génétique. En effet, les différents symptômes apparaissent à l’âge adulte, souvent vers 35-40 ans chez l’homme et une dizaine d’années plus tard chez la femme. Cette affection est en rapport avec la mutation C282Y du gène HFE, mutation qui est présente à double dose (une mutation venue du père, une mutation venue de la mère).
Lorsque ce gène HFE fut découvert en 1996, on a d’abord pensé que sa mutation allait expliquer tous les cas d’hémochromatoses mais on s’est vite aperçu qu’il n’en était rien. En effet, d’authentiques cas de surcharges en fer sans mutation C282Y, et pourtant de nature familiale, ont été observés. Certes, ces maladies pouvaient toucher des adultes « avancés » en âge mais d’autres concernaient des sujets jeunes, à savoir soit des adolescents soit des adultes de moins de 30 ans.
Ainsi, à côté de l’hémochromatose HFE, désormais appelée hémochromatose de type 1, d’autres hémochromatoses, très rares, dites « juvéniles » ont pu être génétiquement identifiées. Elles correspondent aux mutations de trois gènes différents. L’un s’appelle le gène HJV (codant la protéine dite hémojuvéline), un autre HAMP (codant l’hormone de régulation du fer appelée hepcidine), et le troisième TFR2 (pour récepteur de la transferrine de type 2). Ces hémochromatoses (appelées respectivement 2A, 2B et 3) ont en commun, outre de frapper des sujets jeunes, d’être particulièrement sévères avec le développement de surcharges en fer massives, touchant principalement le cœur, l’hypophyse, le pancréas et le foie. Comme pour l’hémochromatose de type 1, le mécanisme expliquant le développement de l’excès en fer est un déficit de production de l’hepcidine, mais ce déficit est ici massif expliquant la précocité et l’intensité de la surcharge en fer.
L’étude génétique, réalisée dans des laboratoires ultra-spécialisés, permet d’identifier ces maladies par la mise en évidence des mutations correspondantes. Une fois le diagnostic posé, l’élimination de la surcharge en fer est une urgence thérapeutique. Elle se fait, comme pour l’hémochromatose de type 1, par la réalisation de saignées mais, du fait de l’importance de l’excès en fer et de la nécessité d’obtenir son élimination le plus rapidement possible, on peut être conduit à leur associer un traitement chélateur qui peut être soit la desferrioxamine (administrée par voie sous-cutanée prolongée ou par perfusion intraveineuse) soit un médicament chélateur à prise orale (le déférasirox).
Comme pour l’hémochromatose de type 1, il est essentiel, après que diagnostic a été posé chez un individu, d’engager une enquête familiale à la recherche de profils génétiques identiques qui pourraient prédisposer au développement de surcharges en fer de même type.
Pr. Pierre Brissot
Coordinateur du Centre national de référence de surcharges en fer rares d’origine génétique. CHU Pontchaillou. Rennes. Avril 2014
J’ai une hémochromatose et je fais régulièrement des saignées. Mais j’ai souvent des sensations de fortes brûlures au niveau des intestins et des bouffées de chaleur. Est-ce en lien avec l’hémochromatose ? Merci pour votre réponse.
Bonjour, Je viens vous transmettre la réponse de notre Conseil scientifique : « A priori aucun lien avec l’hémochromatose ». Pour ma part, vous ne précisez pas votre âge, mais ne pensez-vous pas que les bouffées de chaleur puissent être en lien avec la ménopause ? Bien à vous, Brigitte Pineau